Scènes ordinaires

de la vie universitaire

(synopsis)

 

Thierry Foucart

 

Cet essai est constitué de deux parties.

 

La première reflète mon expérience personnelle de l’enseignement à l’université, et plus particulièrement dans les Instituts Universitaires de Technologie. Les situations, décrites fréquemment sous la forme de dialogues, sont toutes des expériences réellement vécues. Je n’ai modifié que des points de détail, ai parfois réuni des événements qui se sont produits indépendamment les uns des autres, à des moments et des endroits différents, attribué à un collègue une phrase prononcée par un autre, mais je me suis toujours efforcé de respecter la réalité des faits, de montrer l’atmosphère générale régnant dans le milieu professionnel que je fréquente, d’expliciter les relations entre les personnes. Presque tout, dans ce texte, s’est réellement passé, et le reste aurait vraiment pu avoir lieu. J’ai parfois exagéré dans la description des situations, pour attirer l’attention sur des points particuliers, mais toujours avec modération même si le lecteur a du mal à le croire. Inversement, certains détails m’ont paru suffisam­ment significatifs pour que j’aie jugé utile de préciser qu’ils étaient réels.

On regrette fréquemment et à juste titre que les enseignants méconnaissent la vie des entreprises. Les différentes conversations que j’ai pu avoir avec des amis travaillant en entreprise ou en profession libérale, avec les responsables des étudiants en stage en entreprise, m’ont montré que la réciproque est vraie : les travailleurs du secteur privé ne savent pas ce qui se passe dans la fonction publique et en particulier à l’université, et seront surpris en lisant cette première partie parce que c’est souvent courtelinesque et parfois kafkaïen.

Les commentaires que suscitent ces situations constituent la seconde partie. Ils donnent un début d’explication de l’évolution des conditions de travail : la responsabilité politique est évidente puisque les universités, malgré leur supposée autonomie, dépendent directement des ministères. On ne connaît guère toutes les procédures successives de recrutement et de promotion des enseignants chercheurs, les arrêtés réglementant les modalités de contrôle des connaissances, les réformes des programmes, la diminution du nombres d’heures enseignées, la baisse régulière des budgets, …. On ignore aussi les structures administratives universitaires, en grande partie responsables d’un gâchis d’argent, de compétences et de la démotivation des acteurs de l’enseignement supérieur.

L’analyse que je mène dans cet ouvrage est fondée sur une démarche générale assez critique de l’évolution sociale de notre société. En fait, je considère que les difficultés du système universitaire résultent des problèmes sociaux, ce qui n’est en soi guère révolutionnaire. Mais j’essaie de montrer que la façon dont ces derniers sont abordés par les responsables politiques vont souvent à l’encontre de leur résolution en particulier dans le domaine de l’enseignement. Ce que je propose n’est pas une réforme concrète du système universitaire, mais plutôt une approche différente de la responsabilité des adultes dans l’éducation. Je développe l’idée que les jeunes attendent que les adultes prennent des décisions pour pouvoir les contester. L’affrontement entre les jeunes et les adultes est inévitable, nécessaire, alors qu’actuellement on cherche à l’éviter par tous les moyens. La tendance actuelle, chez un grand nombre d’enseignants comme chez les parents, est de satisfaire plus ou moins systématiquement les désirs des jeunes, de répondre à des besoins qu’on leur a parfois suggérés, ce qui empêche finalement la structuration de leur personnalité.

Cette critique rejoint ici les développements plus généraux contenus dans les ouvrages de Dominique Schnapper (La démocratie providentielle, Gallimard), qui décrit les principes de l’état providence et son évolution qu’elle considère comme inéluctable, de Michel Schneider (Big Mother, Odile Jacob) qui, en dévoilant les conséquences de la disparition du rôle paternel évoquée depuis longtemps par Lacan, propose une explication psychanaly­tique de cette évolution. Au plan scientifique, c’est une déconstruction du cognitivisme social, c’est-à-dire de la résurgence du scientisme et du positivisme. J’ai donné dans plusieurs articles (l’Illusion du savoir, Science et conscience n°7, 2002, Politique sociale et cognitivisme, Science et conscience n°9 et 10, 2003, L’interprétation des résultats statistiques, Mathématiques et Sciences humaines n°152, 2000, L’argumentation statistique dans la politique sociale, Mathématiques et Sciences humaines n°156, 2001) les fondements méthodologiques de cette critique des processus de décision.

 

Cet ouvrage est, me semble-t-il, assez dérangeant. Les faits qu’il expose sont peu connus du grand public, les enseignants refusent parfois de les voir et souvent d’en parler. Il ouvre un débat limité actuellement à des considérations purement financières, adminis­tratives et politiciennes. L’université souffre considérablement à l’heure actuelle d’être un enjeu politique ; dans une période de restrictions budgétaires généralisées, de commercialisation de l’éducation, d’internationalisation des universités, ce n’est vraiment pas le moment d’ajouter des difficultés de ce genre à la réforme indispensable de l’enseignement supérieur.