2. Modélisation et désaisonnalisation.

Un modèle de série chronologique est une équation précisant la façon dont les composantes s’articulent les unes par rapport aux autres pour constituer la série chronologique. Il existe de très nombreux modèles, et parmi eux deux modèles classiques simples : le modèle additif et le modèle multiplicatif, auxquels nous nous limiterons.

Dans les deux modèles présentés, la longueur des moyennes mobiles doit être impérativement égale à la période des variations saisonnières.

Nous avons présenté dans le tableau 3.8 les données sous une forme particulière : en lignes, ce sont les années, et en colonnes les trimestres : le terme xt correspondant à la te observation est alors noté xi,j, i donnant l'année (la ligne) et j le trimestre (la colonne).

La relation entre les indices i et j d’une part et l’instant t d’autre part est la suivante :

t = (i-1) p + j

Exemple :

 

j = 1

j = 2

j = 3

j = 4

i = 1

t = 1

t = 2

t = 3

t = 4

i = 2

t = 5

t = 6

t = 7

t = 8

i = 3

t = 9

t = 1°

t = 11

t = 12

Exemple pour n = 3 et p = 4

Nous utiliserons cette notation très souvent dans la suite du texte.

2.1 Modèle additif de série chronologique.

La série chronologique xt se décompose en une tendance notée ct, des variations saisonnières st de période p (égales à s1, s2, s3, …, sp) et d'une composante accidentelle et.

Le modèle le plus simple est le modèle additif, dans lequel la variation saisonnière s'ajoute simplement à la tendance :

pour tout t = 1, …, T

xt = ct + st + et

 

Le modèle additif s'exprime donc en général de la façon suivante :

pour tout i = 1, …, n

pour tout j = 1, …, p

xi,j = ci,j + sj + ei,j

 

Le terme sj caractérise la variation saisonnière à l’instant j de chaque période i : du trimestre j dans le cas particulier des séries 1 et 2 (p = 4), du mois j dans des données mensuelles (p = 12) etc.… Les moyennes mobiles seront aussi notées mmi,j.

 

Définition : les termes sj du modèle additif exprimé sous la forme précédente sont appelés coefficients saisonniers du modèle additif.

 

On peut calculer la différence entre l'observation et la tendance :

pour tout i = 1, …, n

pour tout j = 1, …, p

xi,j – ci,j = sj + ei,j

Pour un même trimestre, la différence entre l'observation et la tendance est donc à peu près constant et égale à sj (on suppose que la composante accidentelle est relativement faible).

Nous avons vu précédemment que les moyennes mobiles de longueur l égale à la période des variations saisonnières sont des approximations de la tendance. On peut donc considérer que la différence entre une observation xi,j et la moyenne mobile mmi,j correspondante est à peu près constante pour j fixé :

pour tout i = 1, …, n

pour tout j = 1, …, p

xi,j – mmi,j » sj

Cette propriété est recherchée sur la représentation graphique de la série xt pour déterminer si cette série suit un modèle additif ou non. Elle peut être observée sur la figure 5.8 dans laquelle la tendance est caractérisée par les moyennes mobiles de longueur 4 : les différences entre x3 et mm3, entre x7 et mm7, entre x11 et c11 sont à peu près constantes, de même les différences entre x4 et mm4, x8 et mm8, x12 et mm12 etc.

On peut en déduire les différences xi,j – mmi,j. Les moyennes mobiles donnant une première approximation de la tendance ci,j, les colonnes du tableau des différences contiennent des approximations des coefficients sj.

 

Exemple : Les moyennes mobiles et par suite différences xi,j – mmi,j ne sont pas définies aux premier et deuxième trimestres de la première année, ni aux troisième et quatrième trimestres de la dernière (tableaux 4.8 et 5.8).

 

1er trimestre

2e trimestre

3e trimestre

4e trimestre

Année 1

 

 

103.39678

104.44080

Année 2

105.14860

106.25917

107.31233

108.46116

Année3

109.65950

110.47448

111.27404

112.28937

Année 4

113.42748

114.58360

115.45379

116.22236

Année 5

117.24943

118.38337

119.64839

120.80691

Année 6

121.79719

122.54573

 

 

Tableau 4.8 : moyennes mobiles de longueur 4  de la série 1


1er trimestre

2e trimestre

3e trimestre

4e trimestre

Année 1

 

 

5.50932

9.71580

Année 2

-8.94393

-6.86050

5.45047

10.72334

Année3

-10.05746

-5.28258

5.28226

9.62153

Année 4

-10.15538

-4.93910

5.75471

10.28534

Année 5

-11.61263

-4.95497

5.99271

10.33979

Année 6

-10.67929

-5.33023

 

 

Tableau 5.8 : différences entre les observations et les moyennes mobiles
de la série 1

Les différences apparaissant dans une même colonne sont proches les uns des autres et caractérisent le modèle additif.

 

Les différences xi,j – mmi,j sont donc des approximations des coefficients sj. Leur  moyenne (ou leur médiane) , pour chaque colonne j, donne une première estimation sj':

 

 

1

n

 

sj'

=

–––

S

(xi,j – mmi,j)

 

 

n

i = 1

 

On obtiendra enfin les estimations définitives sj en centrant ces termes sj’:

·        on calcule la moyenne des sj’:

 

 

1

 

ms'

=

–––

(s1' + s2' + … + sp')

 

 

p

 

 


·        on centre en posant :

pour tout j =1, …, p

sj = sj' – ms'

 

Exemple : le tableau 5.8 donne les différences entre les observations et les moyennes mobiles. On en déduit les moyennes suivantes :

s1' = -10.2897

s2' = -5.4735

s3' = 5.5979

s4' = 10.1371

·        On calcule la moyenne des sj' : ms' = -0.007039938

·        Les valeurs définitives sont obtenues en posant sj = sj' – ms':

s1 = -10.2827

s2 = -5.4664

s3 = 5.6049

s4 = 10.1442

 

règle de calcul des estimations des coefficients saisonniers du modèle additif

·               on calcule les différences entre les observations et les moyennes mobiles ;

·               on calcule la moyenne ou la médiane sj’ des différences de chaque colonne du tableau ;

·               on calcule la moyenne ms' de ces valeurs sj' ;

·               on obtient les estimations sj en centrant les valeurs sj’ : sj = sj' – ms'.

2.2 Modèle multiplicatif de série chronologique.

Le second modèle que nous étudions ici est le modèle multiplicatif suivant :

pour tout t = 1, …, T

xt = ct (1 + st) + et

En présentant les données comme dans le paragraphe précédent, le modèle multiplicatif s'exprime de la façon suivante :

pour tout i = 1, …, n

pour tout j = 1, …, p

xi,j = ci,j ( 1 + sj ) + ei,j

Le terme sj caractérise la variation saisonnière du trimestre j dans le cas particulier des séries 1 et 2, du mois j dans des données mensuelles etc.

On peut calculer la différence entre l'observation et la tendance :

pour tout i = 1, …, n

pour tout j = 1, …, p

xi,j – ci,j  = ci,j sj  + ei,j

Considérons le cas particulier j = 1 (1er trimestre de l’année i).

pour tout i = 1, …, n

xi,1 – ci,1  = ci,1 s1  + ei,1

La différence xi,1 – ci,1  entre l'observation et la tendance est proportionnelle à la tendance ci,1 : lorsque cette tendance est croissante, la différence augmente, lorsqu'elle est décroissante, il diminue.

Le même raisonnement peut évidemment être tenu pour j fixé quelconque. Les différences permettent ainsi de déterminer si la série chronologique étudiée suit un modèle multiplicatif.

Exemple : on considère la série chronologique ci-dessous :

 

 

1er trimestre

2e trimestre

3e trimestre

4e trimestre

Année 1

224.3705

253.2811

201.2421

248.9411

Année 2

274.3802

300.1641

248.9038

298.4386

Année 3

331.9657

371.4032

303.4313

365.9029

Année 4

406.6326

437.9967

361.5774

444.8447

Année 5

488.4166

536.5268

435.5698

549.3614

Année 6

598.0016

659.2896

533.2156

669.2675

Tableau 6.8 : série chronologique 2

(modèle multiplicatif , période p = 4)

 

Figure 7.8 : série 2 et moyennes mobiles de longueur 4

Cette série est soumise à des variations saisonnières de période 4 ; la tendance, caractérisée par les moyennes mobiles de longueur 4, est croissante, et la différence entre une observation xt et la moyenne mobile mmt a tendance à augmenter pour une même variation saisonnière : l Les différences entre x3 et mm3, entre x7 et mm7, entre x11 et c11 augmentent visiblement, de même que les différences entre x4 et mm4, x8 et mm8, x12 et mm12 etc. (figure 7.8).

 

Pour quantifier les variations saisonnières, on considère les rapports xi,j / ci,j :

pour tout i = 1, …, n

pour tout j = 1, …, p

xi,j / ci,j  = 1 + sj  + ei,j / ci,j 

En considérant que les variations accidentelles ei,j sont faibles par rapport à la tendance ci,j et en utilisant l'approximation de la tendance par les moyennes mobiles, on constate donc que les rapports x3 / mm3, x7 / mm7, x11/mm11, … sont à peu près constants et donnent une approximation de 1 + s3, de même les rapports x4 / mm4, x8 / mm8, x12 / mm12 etc. donnent une approximation de 1 + s4 :

 

xi,j

 

 

pour tout j = 1, …, p

––––––

=

1 + sj = S j

 

mmi,j

 

 

Exemple : les tableaux 7.8 et 8.8 ci-dessous contiennent les moyennes mobiles de la série et les rapports xi, j / mmi,j.



1er trimestre

2e trimestre

3e trimestre

4e trimestre

Année 1

 

 

238.210

250.322

Année 2

262.140

274.284

287.670

303.773

Année3

319.494

334.743

352.509

370.167

Année 4

385.759

402.895

422.986

445.525

Année 5

467.090

489.404

516.167

545.210

Année 6

572.761

599.955

 

 

Tableau 7.8 : moyennes mobiles de longueur 4 de la série 2

 

1er trimestre

2e trimestre

3e trimestre

4e trimestre

Année 1

 

 

0.84481

0.99449

Année 2

1.04670

1.09435

0.86524

0.98244

Année3

1.03904

1.10952

0.86078

0.98848

Année 4

1.05411

1.08712

0.85482

0.99847

Année 5

1.04566

1.09629

0.84385

1.00761

Année 6

1.04407

1.09890

 

 

Tableau 8.8 : rapports des observations aux moyennes mobiles de la série 2

Les rapports dans chaque colonne du tableau 8.8 sont à peu près constants.

 

Les rapports xi,j / mmi,j sont donc des approximations des termes 1 + sj que l'on appelle coefficients saisonniers dans le cas du modèle multiplicatif.

 

Définition : les termes Sj = 1 + sj du modèle multiplicatif exprimé sous la forme précédente sont appelés coefficients saisonniers du modèle multiplicatif.

On obtient des premières estimations Sj' des coefficients saisonniers en calculant la moyenne (ou la médiane) des rapports figurant dans chaque colonne. Par analogie avec les coefficients saisonniers sj du modèle additif, dont la moyenne est égale à 0, on cherche des estimations définitives Sj de moyenne 1 :

·        on calcule la moyenne :

 

 

1

 

mS'

=

–––

(S1' + S2' + … + Sp')

 

 

p

 

·        on pose :

pour tout j =1, …, p

Sj = Sj'   / mS'

Les coefficients saisonniers estimés Sj sont ainsi de somme p :

 

 

1

 

S1 + S2 + … + Sp

=

–––

( S1’ + S2’ + … + Sp’ )

 

 

mS’

 

 

=

 p

 

ce qui équivaut à une moyenne des sj égale à 0 puisque l'on a Sj = 1 + sj.

 

Exemple :

·        le tableau 8.8 donne les rapports des observations aux moyennes mobiles.

·        on en déduit les moyennes suivantes :

S1' = 1.045913

S2' = 1.097236

S3' = 0.8539006

S4' = 0.9942986

·        on calcule la moyennes des Sj' : mS' = .9978371

·        les valeurs définitives sont obtenues de façon que les Sj' soient de moyenne 1 :

S1 = 1.04818

S2 = 1.099614

S3 = 0.8557515

S4 = 0.9964539

 

règle de calcul des estimations des coefficients saisonniers du modèle multiplicatif

·               on calcule les rapports des observations aux moyennes mobiles ;

·               on calcule la moyenne ou la médiane des rapports Sj’ de chaque colonne du tableau ;

·               on calcule la moyenne mS’ de ces valeurs ;

·               on obtient les estimations Sj en posant Sj=Sj’ / mS’.

 


2.3 Désaisonnalisation.

Les coefficients saisonniers permettent d'éliminer d'une observation les effets de la variation saisonnière correspondante. On obtient ainsi les valeurs corrigées des variations saisonnières, ou encore les valeurs désaisonnalisées.

L'avantage de cette désaisonnalisation est de permettre la comparaison de deux observations soumises à des variations saisonnières différentes.

 

définition : on appelle observation corrigée des variations saisonnières la valeur xi,j' obtenue en éliminant l'effet saisonnier sur la valeur xi,j.

 

modèle additif :

xi,j' = xi,j – sj

modèle multiplicatif :

xi,j' = xi,j / Sj

 

Les valeurs corrigées des variations saisonnières (expression souvent abrégée par c.v.s.) caractérisent à la fois la tendance et la variation accidentelle.

 

Exemple : on donne ci-dessous les quatre dernières observations de la série 2 (année 6) et les valeurs corrigées des variations saisonnières :

 

1er trimestre

2e trimestre

3e trimestre

4e trimestre

observations :

598.00160

659.28960

533.21560

669.26750

valeur c.v.s. :

570.51396

599.56452

623.09629

671.64924

L'observation du deuxième trimestre est largement supérieure à celle du troisième, mais c'est l'inverse pour les valeurs c.v.s. : la tendance est restée croissante au troisième trimestre.

Supposons que l'observation du premier trimestre de l'année 7 soit égale à 720.15. Pour savoir si la tendance est restée à la hausse, on calcule la valeur désaisonnalisée :

x7,1' = 720.15/1.04818 = 687.04771

et on la compare à la valeur désaisonnalisée du quatrième trimestre de l'année précédente :

x6,4' = 671.649

La valeur c.v.s. x7,1' est supérieur à x6,4'. La tendance est restée à la hausse si la différence est supérieure à la variation accidentelle . Il faudrait donc comparer cette différence à l’écart type des variations accidentelles, calculé sur les données antérieures. Il semble que dans la pratique, cette comparaison ne soit guère effectuée.